Correspondence #927
AU DIRECTOIRE EXÉCUTIF.
Milan, 9 fructidor an IV (26 aôut 1796)
Le Roi de Naples, à la téte de 24,000 hommes (ce qui pourrait bien n'aller qu'à 5,000), s'est avancé sur les terres du Pape, menaçant de se porter sur Rome, et, de là, venir se joindre à Wurmser ou se porter sur Livourne, pour, de concert avec les Anglais, nous chasser de cette place. L'alarme était dans Rome, et le cabinet de Sa Sainteté était dans la plus grande consternation.
J'ai écrit au citoyen Cacault de rassurer la cour de Rome, et de signifier à celle de Naples que, si le Roi des Deux-Siciles s'avançait sur le territoire de Rome, je regarderais l'armistice comme nul, et que je ferais marcher une division de mon armée pour couvrir Home. Le citoyen Cacault m'assure, sans en être certain, que le Roi de Naples s'est désisté de son entreprise, et qu'il est retourné de sa personne a Naples. Cette cour est perfide et bête. Je crois que, si M. Pignatelli n'est pas encore arrivé à Paris, il convient de séquestrer les 2,000 hommes de cava-lerie que nous avons en dépôt, arrêter toutes les marchandises qui sont à Livourne, faire un manifeste bien frappé pour faire sentir la mau-vaise foi de la cour de Naples, principalement d'Acton. Dès l'instant qu'elle sera menacée, elle deviendra humble et soumise. Les Anglais ont fait croire au Roi de Naples qu'il était quelque chose. J'ai écrit à M. d'Azara à Rome; je lui ai dit que, si la cour de Naples, au mépris de l'armistice, cherche encore a se mettre sur les rangs, je prends l'en-gagement, à la face de l'Europe, de marcher contre ses prétendus 70,000 hommes avec 6,000 grenadiers, 4,000 hommes de cavalerie et cinquante pièces d'artillerie légère. La bonne saison s avance d'ici a six semaines, j'espèreque la plus grande partie de nos malades seront guéris. Les secours que vous m'annoncez étant arrivés, je pourrai à la fois faire le siége de Mantoue, et tenir en respect Naples et les Au-trichiens.
La cour de Rome, pendant le temps de nos désastres, ne s'est pas mieux conduite que les autres. Elle avait envoyé un légat à Ferrare, je l'ai fait arrêter, et je le tiens en otage à Brescia c'est le cardinal Mattei. Le vice-légat, nommé Grena, s'était sauvé, et n'était plus qu'à deux journées de Rome; je lui ai envoyé l'ordre de venir à Milan il est venu. Comme il est moins coupable, je le renverrai après l'avoir re-tenu quelques jours ici.
On fait courir beaucoup de bruits sur le Roi de Sardaigne; mais je croîs que tout cela est dénué de fondement. Il a vendu son équipage d'artillerie, licencié ses régiments provinciaux, et, s'il cherche à recruter, c'est qu'il aime mieux avoir des troupes étrangères que des régiments nationaux, dont il est peu sûr. Il serait bon que les journalistes vou-lussent bien ne pas publier sur son compte des absurdités comme celles que l'on publie tous les jours. Il est des coups de plumes écrits sur des ouï-dire et sans mauvaise intention qui nous font plus de mal, plus d'ennemis, qu'une contribution dont nous tirerions avantage. Peut-être serait-il utile qu'un journal officiel insérât un article qui démentît ces bruits absurdes et ridicules.
BONAPARTE