Correspondence #376
EXTRAIT DE L'ORDRE DU JOUR.
Quartier général, Plaisance, 20 floréal an IV (9 mai 1796)
Une avant-garde de l'armée ennemie, forte de 6,000 hommes, ou en-viron, est venue s'établir à une lieue de distance du point où les Français ont passé le fleuve; aussitôt notre avant-garde l'a attaquée, le combat a été très-opiniâtre, et le succès a encore été, cette fois, pour l'armée vic-torieuse. Nous avons poursuivi l'ennemi jusqu'à Pizzighettone, à trois lieues du champ de bataille. Il a perdu environ 800 hommes, dont 400 prisonniers, des chariots remplis de bagages; et beaucoup de hulans et de hussards sont tombés en notre pouvoir.
Un événement désastreux a couvert d'un crêpe funèbre la victoire d'hier. Le brave général Laharpe, après avoir battu l'ennemi, fit ses dispositions pour la sûreté des nouvelles dispositions qu'il avait prises. Il avait recom-mandé la plus grande surveillance aux postes; il avait défendu qu'on s'en éloignât; mais cet ordre ne fut point exécuté. Une patrouille ennemie vient tomber par hasard sur un de nos postes où il y avait du canon; si l'on eût fait son devoir, cette patrouille devait être prise; mais la garde s'est laissé surprendre, et le poste s'est enfui. Le général Laharpe se porte aussitôt au lieu que ce poste venait d'abandonner; il cherche à ral-lier la troupe pour tomber sur l'ennemi; une demi-brigade à laquelle il avait, avant son départ, donné l'ordre d'avancer, n'arrivant pas, il re-vient sur ses pas pour en presser la marche; elle s'avançait précédée de son avant-garde et commandée malheureusement par un officier qui la laissait marcher en désordre. Des lâches, apercevant les chevaux du général Laharpe et de sa suite, crient: Voilà la cavalerie ennemie. A ces mots, le peloton fait feu à bout portant. Laharpe, atteint de plusieurs coups, tombe mort aux pieds de ceux qu'il voulait mener encore a la victoire.
Ce général, vraiment républicain et chéri de ses frères d'armes, porte les justes regrets de la patrie et de l'armée. Que cet affreux événement rappelle les officiers et sous-officiers à la plus scrupuleuse surveil-lance; que chacun fasse observer, par les troupes sous ses ordres, la plus exacte discipline; que Fon n'oublie jamais que c'est autant à la négligence les postes avancés qu'au pillage dont quelques scélérats se sont rendus coupables, qu'on doit attribuer les revers qui ont eu lieu quelquefois. Le général en chef renouvelle son premier ordre du jour du 4 floréal, rela-Livement au pillage plus de ménagements ni d'indulgence pour les hommes voués au crime.
L'ennemi a été attaqué de nouveau, quelques instants après la mort lu général Labarpe; il a été encore une fois battu. Nous lui avons repris le canon dont il s'était emparé et fait environ 60 prisonniers.
Il se retire sur Lodi, chassé de Casal par notre avant-garde.
Le général en chef, informé que des militaires se permettent de prendre les chevaux appartenant aux habitants du pays conquis, ordonne aux généraux de veiller à ce que cet abus n'ait plus lieu, et d'empêcher que Les troupes se répandent dans les villages et dans les campagnes pour en enlever les bestiaux. C'est au général en chef seul à ordonner la levée le chevaux dans le pays conquis; tout autre ordre est une violation des propriétés; l'on en punira sévèrement les auteurs. Les seules prises vala-bles sont celles des chevaux pris en combattant.
Par ordre du général en chef