Correspondence #366
AU CITOYEN CARNOT.
Quartier général, Plaisance, 20 floréal an IV (9 mai 1796)
Nous avons enfin passé le Pô. La seconde campagne est commencée. Beaulieu est déconcerté; il calcule assez mal, il donne constamment dans les piéges qu'on lui tend. Peut-être voudra-t-il donner une bataille, car cet homme-là a l'audace de la fureur et non celle du génie; mais les 6,000 hommes que l'on a obligés hier de passer l'Adda, et qui ont été défaits, l'affaiblissent beaucoup. Encore une victoire, et nous sommes maîtres de l'Italie.
J'ai accordé une suspension d'armes au duc de Parme; le duc de Modène m'envoie des plénipotentiaires.
Si nous avions un ordonnateur habile, nous serions aussi bien qu'il est possible de l'imaginer. Nous allons faire établir des magasins consi-dérables de blé, des parcs de six cents boeufs, sur les derrières. Dès l'ins-tant que nous arrêterons nos mouvements, nous ferons habiller l'armée à neuf; elle est toujours à faire peur, mais tout engraisse; le soldat ne mange que du pain de Gonesse, bonne viande, et en quantité, bon vin, etc. La discipline se rétablit tous les jours; mais il faut souvent fusiller, car il est des hommes intraitables qui ne peuvent pas se commander.
Ce que nous avons pris à l'ennemi est incalculable. Nous avons des fets d'hôpitaux pour 15,000 malades, plusieurs magasins de blé, rine, etc. Plus vous m'enverrez d'hommes et plus je les nourrirai facilement.
Je vous fais passer vingt tableaux des premiers maîtres, du Corrége et Michel-Ange.
Je vous dois des remercîments particuliers pour les attentions que us voulez bien avoir pour ma femme je vous la recommande; elle est triote sincère, et je l'aime à la folie.
J'espère, si les choses vont bien, pouvoir vous envoyer une dizaine millions à Paris; cela ne vous fera pas de mal pour l'armée du Rhin.
Envoyez -moi 4,000 cavaliers démontés, je chercherai ici à les remonter.
Je ne vous cache pas que, depuis la mort de Stengel, je n'ai plus un ilcier supérieur de cavalerie qui se batte. Je désirerais que vous pussiez envoyer deux ou trois adjudants généraux sortant de la cavalerie, qui aient du feu, et une ferme résolution de ne jamais faire de savantes retraites.
BONAPARTE