Correspondence #1510
AU DIRECTOIRE EXÉCUTIF
Quartier général, Tolentino, 1er ventôse an V (19 février 1797)
Vous trouverez ci-joint, Citoyens Directeurs, le traité de paix qui vient d'étre conclu entre la lle'publique française et le Pape. Je l'ai signé conjointement avec le citoyen Cacault, parce que, ce dernier n'ayant pas de pleins pouvoirs en règle, il a fallu y suppléer.
J'envoie mon aide de camp Marmont à Rome; il m'apportera la ratification du Pape, que je vous ferai passer sur-le-champ.
Mes motifs pour conclure ce traité sont:
- Qu'il vaut mieux avoir trois provinces, tout ce qu'il y a de meil-leur dans l'État ecclésiastique, données par le Pape, que d'avoir tous ses états à ratifier à la paix générale, à laquelle nous avons déjà tant de clauses à arranger;
- Parce que le roi de Naples paraissait décidé à intervenir dans les négociations;
- Parce que trente millions valent pour nous dix fois Rome, dont nous n'aurions pas tiré cinq millions, tout ayant été emballé et envoyé à Terracine;
- Parce que ma présence est indispensable à l'armée;
- Parce que cela peut étre un acheminement à la paix générale.
J'ai cédé un tiers des biens allodiaux de la Mesola et de Cornacchio, qui valent cinq millions, afin de donner plus de confiance aux acheteurs et de pouvoir trouver à les vendre.
Mon opinion est que Rome, une fois privée de Bologne, Ferrare, la Romagne et des trente millions que nous lui ôtons, ne peut pîus exister; cette vieille machine se détraquera toute seule.
Je n'ai point parlé de religion, parce qu'il est évident que l'on fera faire à ces gens-là par la persuasion et l'espérance beaucoup de démar-ches qui pourront être alors vraiment utiles à notre tranquillité inté-rieure. Si vous voulez me donner vos bases, je travaillerai là-dessus, et je ferai faire à la cour de Rome les démarches que vous pourriez croire nécessaires.
Toutes les lettres de Venise et des généraux de division assurent que l'ennemi fait un mouvement, qu'il s'est considérablement renforcé et que le prince Charles est arrivé à Trieste.
Je pars cette nuit pour Mantoue et Bassano. J'entrerai peut-être en négociation avec les Vénitiens, et nous ne tarderons pas à passer la Piave et à exécuter le plan projeté.
Le général Clarke, qui vient de partir, se rend à Turin pour exécuter vos ordres. Le secrétaire d'ambassade que nous avons à Turin n'a point de tenue et n'a rien de ce qui peut attirer la considération. En général, nos agents diplomatiques négligent trop l'extérieur et les formes; aussi ne sont-ils au fait de rien et sont-ils assez généralement méprisés.
La République vient donc d'acquérir sans contredit le plus beau pays d'Italie: Ferrare, Bologne et la Romagne.
Enfin il est possible que je me sois trompé dans le parti que j'ai pris; mais on ne m'accusera pas d'avoir sacrifié à ma gloire l'intérêt de ma patrie.
Le roi de Sardaigne demande à faire un traité d'alliance offensive avec nous j'ai répondu que, si le roi reprenait la négociation au point où on l'avait laissée et où l'alliance était convertie en simple défensive, il serait possible encore que, malgré le changement prodi-gieux arrivé, le Directoire pût y consentir. Je vous rendrai compte de cela.
Vous trouverez ci-joint plusieurs lettres interceptées.
Je vous envoie copie, 1) de la lettre que m'a écrite le Saint-Père, 2) de la réponse que je lui ai faite, 3) de la note qui m'a été remise par M. Pignatelli, 4) de la réponse que je lui ai faite .
Je vous demande pour le citoyen Cacault la place de ministre à Rorne ou a Florence, et l'autre de ces deux places pour mon frère, qui a les talents nécessaires, de l'extérieur, de la tenue, un patriotisme et une probité éprouvés.
Comme je dois incessamment recevoir la ratification du Pape, je ne vous envoie aujourd'hui qu'une copie du traité de paix.
Je vous enverrai incessamment les dix drapeaux que nous avons, dans les différents événements, pris au Pape.
BONAPARTE